La seconde Bataille de la Somme
Le 21 mars 1918 débute la plus grande offensive de la première guerre mondiale. Sur un front de plus de 80 kilomètres, du sud d'Arras à Fère en Tardenois, ce ne sont pas moins de 63 divisions allemandes qui attaquent 26 divisions britanniques, avec pour objectif l'encerclement et l'anéantissement du Corps Expéditionnaire dans sa totalité.
Le plan d'attaque de Ludendorf
Le plan de la bataille de la Somme, ou Operation Michael, a été mis au point début 1918 par le général Einrich Von Ludendorf. Il vise à frapper les troupes alliées là où elles sont les plus faibles, c'est-à-dire à la jointure des armées françaises et britanniques au sud de Saint-Quentin. Dans un second temps, il vise à encercler le corps expéditionnaire britannique, affaibli par les offensives de Cambrai et Paschendaele fin 1917, et à l'adosser à la mer afin d'obtenir sa rédition.
Les ruines de Saint-Quentin en 1919
Collection "Photos of the great War"
Pour parvenir à ce résultat, et renouer avec une ambitieuse guerre de mouvement, l'Etat-Major allemand met au point une nouvelle tactique de combat. Soutenu par un barrage d'artillerie bref (3 à 4 heures, à comparer aux 5 jours de bombardement sur le fort de Douaumont en 1916), des troupes d'assaut spécialement entraînées, les Sturmtruppen, attaqueront les points ennemis les plus faibles, laissant les poches de resistance derrière elles, et s'avanceront le plus loin possible dans le dos de l'ennemi. Le but ici n'est plus l'anéantissement physique de l'armée adverse, mais sa mise hors de combat par encerclement et capitulation.
Une défense britannique renforcée
Entre les premiers préparatifs de janvier 1918 et l'assaut du 21 mars, la défense du camp britannique s'organise, même si aucune information certaine sur l'offensive allemande n'est connue. Des manoeuvres de diversion laissent surtout penser que l'effort principal des troupes du Kaiser portera sur l'armée française, dans la région de Reims et de Chateau-Thierry. C'est d'ailleurs avec cette pensée que l'armée française laisse aux britanniques l'ensemble du front au nord de l'Oise en février 1918. L'attaque allemande, contrairement à son plan initial, ne rencontrera donc que des soldats du Corps Expéditionnaire Britannique lors de son avancée.
Saigné à Passchendaele en novembre 1917, le corps britannique doit alors défendre un front de plus en plus large avec moins d'homme. Les querelles stratégiques entre Sir Douglas Haig, commandant en chef, et Lloyd Georges, premier ministre anglais, accentuent encore ce manque de troupe. Bon nombre de soldats sont retenus en Angleterre. Echaudé par les offensives répétitives de Douglas Haig (la Somme en 1916, Fromelles, Messine Ridge, Passchendaele, Cambrai...), Lloyd Georges veut désormais épargner les troupes et éviter les attaques à outrance face à une armée allemande renforcée par l'armistice russe.
Sir Douglas Haig doit donc, pour la première fois de la guerre, mettre au point une tactique de défense pour contrer un inévitable assaut ennemi. Il en résulte un découpage du front britannique en trois zones de combat successives. Une première ligne, la Front Zone, composée de redoutes est destinée à assuyer le premier choc. La Battle Zone, plus large et renforcée d'artillerie et de postes de mitrailleuses vera se dérouler la coeur des combats. C'est dans cette zone que doivent avoir lieu les contre-attaques éventuelles. Enfin, une Rear Zone sert de dernier barrage. Au 21 mars 1918, l'application de ce nouveau modèle de défense est loin d'être finalisé sur l'ensemble du front.
Le plus grand assaut de la Première Guerre Mondiale
L'assaut allemand surprend les troupes britanniques par son intensité et sa tactique nouvelle. En 24h, les Sturmtruppen ont franchi la Front Zone sur la quasi totalité du front. Malgré une défense héroique en de nombreux points - le saillant de Flesquières notamment, bombardé au gaz moutarde, ou la redoute de Manchester Hill près de Saint-Quentin - les troupes alliées n'ont d'autre choix que de se replier rapidement, afin d'éviter la capture d'un nombre trop important de prisonniers.
Contrairement aux plans initiaux d'Einrich Von Ludendorf, c'est au sud du front, entre Saint-Quention et Noyon que l'avance allemande se fait la plus rapid. Alors que le plan initial prévoyait un enfoncement de l'armée britannique aux environs de Bapaume et une ruée rapide vers Arras, le quartier-général allemand doit exploiter au plus vite la percée sur la Somme et définit alors l'attaque d'Amiens et d'Abbeville comme nouvel objectif.
Devant la pression sans cesse grandissante des troupes allemandes, Sir Douglas Haig se voit obligé de dégarnir le front des Flandres - d'Ypres à Béthune - et d'amener le maximum de renfort possible sur la Somme. Les troupes allemandes menacent alors directement les zones conquises de haute lutte lors de l'offensive de 1916 (Thiepval, Pozières...). Sous cette même pression, les armées française et britannique adoptent enfin un commandement commun sous la houlette du Général Ferdinand Foch. Ils décident également de la mise en place d'une réserve stratégique commune pouvant être utilisée sur n'importe quel front en cas de besoin urgent. Cette réserve mettra toutefois des semaines à se mettre en place et sa première application sera l'arrivée de troupes françaises au Mont Kemmel à la fin du mois d'avril 1918.
En attendant cette coopération avancée des troupes allilées, les soldats français se concentrent principalement sur la défense du sud du front créé par Luddendorf. Les comabts font rage entre Soisson et Montdidier, directement au sud d'Amiens. Noyon, verrou important que la stratégie française, et ville étape vers Paris, tombe dès les premiers jours de la bataille. Le maréchal Pétain, alors général en chef de l'armée française, fait donner toutes les réserves pour défendre une ligne suivant la rivière Oise jusqu'à Montdidier, et formant une avance dangereuse à quelques kilomètres de Paris. Côté français, la crainte d'une marche allemande sur la capitale ressurgit comme en 1914, mais fornt se stabilise avec l'éssoufflement des troupes d'assaut du Kaiser.
De la Somme à la Lys
L'assaut allemand s'essouffle début avril devant Amiens, dans le village de Villers-Bretonneux. En deux semaines de combat, l'armée du Kaiser a réussi à effectuer l'une des plus grandes avancées de la Première Guerre Mondiale. On estime généralement que, pendant cette période, l'armée britannique a perdu près du quart des troupes engagées, qu'il s'agisse de morts, de blessés ou de prisonniers. Pour contrer l'armée allemade, le quartier-général britannique a également affaibli son front nord, et notamment le saillant d'Ypres, jugé à la fois hautement stratégique et symbolique par Sir Douglas Haig.
Soldats australiens après la reprise de Villers Bretonneux, le 26 avril 1918
Collection Australian War Memorial
Einrich Von Ludendorf prépare lui la seconde phase de son offensive de printemps. Laissant un flanc fortement exposé entre Noyon et Montdidier, l'état-major allemand doit procéder à une nouvelle attaque le plus rapidement possible, afin de ne pas laisser le temps aux alliés de préparer une contre-attaque. L'opération Georgette débutera le 9 avril à l'aube dans les Flandres, face à des troupes portugaises épuisées par une trop longue présence sur le front...
Ressources
Martin Middlebrook - The Kaiser's Battle (Pen & Sword Books 1978/2007)
Pierre Miquel - La liberté guidait leurs pas, Tome 1 : Les Bleuets de Picardie (Livre de poche - 2007)
Ernst Jünger - Orages d'acier (Le Livre de Poche - 1920)
Crédit photographique
Poste d'artillerie britannique pendant une attaque aux gaz - in The children's story of the war (Volume 9)